Alors, voilà.
Tout ce que vous voyez là, c’est moi. C’est moi. Je l’ai fait. Vous êtes moi. Je vous jure. Vous êtes moi. Bien que vous préféreriez l’ignorer et prendre d’autres noms… Florentine, Véronique, Olivier, Alain et tant d’autres. Je sais, je dis bien, (c’est-à-dire, je sais) qu’on s’appelle tous Philippe.
Et je mens aussi, je mens tellement.
A dire vrai, je mens souvent. Mais jamais dans l’ascenseur, tout se passe dans l’épaisseur.
Vous voyez tout ce monde ici ?
C’est ce que je n’ai pas le temps d’être.
Philippe vous dira que les impressions, parfois ont valeur de symptôme que les faits ignorent. Inexactes, fluctuantes, elles mésestiment l’exhaustif. Les impressions – constate Philippe – ont ce caractère à la fois déplaisant et utile d’autoriser à dire le tout et le n’importe quoi. En même temps et le contraire.
Ça peut toujours servir.
Des impressions Philippe en a.
Comme tout le monde, Philippe s’appelle Philippe.
Tant de coquilles, pour si peu de fantômes….Tous les artistes s’appellent Philippe.
Mais ce n’est pas aujourd’hui que vous saurez pourquoi.
Il faudra attendre.
En attendant, un autre Philippe s’essaie à la critique.
Philippe parle. Il parle, cédant à de vilaines injonctions contraires… informulées, persistantes, sournoises.
Elles lui imposent d’écrire comme un con.
Lui, lui qui s’appelle Philippe.
Il est là pour cela. Convoquer à l’envi des notions inutiles en ces lieux, faibles équivalences, bouffées théoriques affadies. Philippe s’emploie à tracer des contours. On l’exhorte à faire sérieux, à taquiner l’esthétique qui rétrospective, peine au contemporain.
Il est là pour cela Philippe.
Philippe a attendu, attendu, attendu, (c’est-à-dire qu’il est resté à attendre) en vain qu’on lui dise enfin quelque chose. Même entre les lignes.
Il n’en est jamais revenu. Il faut tirer sur la langue – se dit-il.
Mais comment tirer sur une langue qui a tant hérité qu’elle en est confite ? Comment tirer sur une langue de légataires qui paye tribut sans cesse, et se rigidifie au prix de la clarté ? Une langue qui cite et convoque, accumule les messages de bienvenue aux pairs, fait tremper des gâteaux dont on connaît la marque ?
De quoi pleurer comme d’insignes madeleines.
Philippe, (qui s’appelle comme ça) a décidé de se laisser aller. De prendre le large.
Alors Philippe se laisse aller.
Il fait naviguer les artistes sur un petit bateau au courant régulier. Un souffle dans les toiles et hop, parti, lancé sur une mer uniforme que personne ne viendra agiter puisqu’elle fait le tour du monde.
Philippe se laisse aller à user d’une langue de fées au berceau qui distribuent l’ennui. Il vaporise la lassitude, impressions, sentiments de savoir, d’avoir déjà vu, de ne plus vouloir voir.
Ça mondialise, ça foisonne, ça sollicite, prolifère à l’affiche et le podium s’élargit en créneaux défensifs.
Philippe voit du monde et s’efforce à dire. Il n’y va pas avec le dos de la main morte.
Car changer de langue comme changer de produit n’est pas une mince affaire.
Philippe en ce domaine possède des points fidélités.
Comme un petit porteur de points fidélité qui aurait tant aimé embrasser tout le monde.
Le monde ici. Tous ceux là…
Qui sont moi, aussi.
Il ne reste qu’à tirer sur la langue.
Après on verra ce qu’on verra. Tout recommencera, on verra, on verra.
On s’appellera Philippe, car tous les artistes s’appellent Philippe.
Il y a même des raisons pour cela.