Texte issu de l’interview de Basak Kaptan.
Exposition en ligne du 27 janvier au 9 mars 2005.
J’ai été invitée une fois à écrire quelque chose au sujet de mon travail, un genre de déclaration pour l’auteur et pour les spectateurs. Les retours que j’en ai eu étaient que ce que j’avais écris était trop clair, trop défini et conscient du travail effectué en rapport aux matériaux et médiums questionnés. C’était étrange parce que la personne qui m’avait demandé ce texte m’avait dit qu’il pouvait être dangereux de ne pouvoir décider s’il est bon ou mauvais pour l’artiste de définir son travail au delà de sa représentation. Que cela pourrait être insignifiant. Je me pose toujours la question de savoir qui devrait parler du travail de l’artiste. L’artiste? Le spectateur? Le critique?
Il était intéressant d’expérimenter avec l’équipe du FLAC un processus d’interview. Mais les différences de langage nous ont plongé, après un moment, dans une situation où nous ne savions plus qui posait les questions et qui parlait du travail. Ainsi, pendant que nous cherchions un sens commun pour nous comprendre les uns les autres, la discussion est devenue un support à idées et expériences ; ce que je recherchais je pense dans mon travail ; un support à expérience. J’ai alors écrit et écrit encore, sous forme de fiction, la manière dont j’appréhende le monde, les choses qui m’entourent, exploitant certaines des images que j’avais choisi avant. Je trouvais cela intéressant parce que nous avons laissé le travail se définir lui-même alors que nous approfondissions des concepts, des mots, des représentations, des souvenirs lointains comme permettant autant d’ouverture d’esprit.
Au stade où j’en suis maintenant, je me laisse porter pas l’abondance de souvenirs de ces discussions, de ce que nous avons vécu ensemble. Et j’essaie de recomposer l’histoire à travers mon regard, et le leur. Afin de prévenir toute confusion de perception et de mémoire du travail en relation à nos expériences propres, je tenterais d’être fidèle à ce qui s’est passé.
Au début de l’entretien, chacun restait sur sa réserve, comme tendu. Bien que nous essayions de cibler les faits les plus évidents, nous ressentions une urgence à faire rejaillir toute signification. J’ai alors senti qu’il fallait que j’utilise mon équation favorite; une fois la relation entre image et mémoire sur la table, nous avions quelque chose à appréhender. Je dois admettre que ça n’a pas changé grand chose; nous tergiversions sur les concepts et tournions encore autour de leurs propres orbites. A ce moment-là, il fallait que je me replace dans mon équation. J’ai donc dis: Ce qui me concerne le plus est la relation. Et cela apparaît dans mon travail comme la manière dont je vois le monde, c’est la réflexion des perceptions, des projections de la mémoire. A travers mes souvenirs, subjectifs et collectifs, je sélectionne des détails du monde. Toutefois, ce que je voudrais montrer ne sont pas ces détails eux-mêmes mais la manière dont je les vois. Afin de maintenir l’intégrité de ce rapport, j’ai besoin de cette dualité pour produire. Cette dualité que je retrouve lorsque je fais s’affronter présent et souvenirs restaurés, ou la dualité comme deux éléments de base dans mes vid��os, deux références spatiales et temporelles différentes pour le son et pour l’image (la confrontation de l’espace et du temps due aux différentes sources sonores apparaît la plupart du temps dans Sunday Afternoon et Teleplane Project).
Et quand on en est arrivé à la question de l’installation de mes vidéos, nous avons abordé la question d’un autre type de spectateur: celui-là même qui est ’présent’ dans la vidéo, avec sa propre mémoire, parceque physiquement impliqué dans l’installation, accordant ses propres références temporelles et spatiales. Ainsi en plus des vidéos qui montrent la manière dont je vois le monde, avec les installations, je positionne le regardeur dans un état où la perception tactile est permise.
Ceci signifie que j’essaie de présenter une étape où les possibilités de perception s’avèrent être une expérience en elle-même. La manière dont je vois le monde est accessible.
Enfin nous en sommes venus à la question de notre premier souvenir, la première chose dont nous nous rappelons. Nous étions plus résolus, comme rassurés de parler de choses connues. Quoique furent ces souvenirs, ils étaient pour la plupart corporels, ou en relation physique avec quelque chose autour de nous. L’odeur, la lumière, le toucher étaient évoqués, suspendus dans l’air comme attachés à quelque chose.
Voilà ce dont je me souviens, c’était plus ou moins comme ça. Ce soir-là nous permit en somme de toucher l’écran.
traduit de l’anglais par Julien Duc-Maugé